Les Vies Minuscules de Nina Gantz

Rencontre avec Nina Gantz et ses univers miniatures

Absurdes, étranges et douces-amères, les histoires que raconte Nina Gantz ne sont pas des épopées ou de grandes fresques shakespeariennes. Au contraire, elles montrent ce qu’il y a dans les interstices, dans la sous-réalité ou derrière l’écran cathodique d’une vieille télé. Des petites choses personnelles ou insoupçonnées, qui cachent pourtant des mondes, des univers entiers.


Nina Gantz a grandi dans une famille de théâtreux à Amsterdam. Son père était technicien et sa mère comédienne, ce qui doit expliquer par la génétique son goût et son talent pour la dramaturgie, la confection de décor, la scénographie, mais aussi l’art de la narration : « Depuis l’enfance, quelque chose en moi veut raconter des histoires. Et j’ai aussi pris des cours de dessin très tôt. Alors quand je suis entrée en école d’art j’ai réalisé que je pouvais utiliser le dessin pour raconter des histoires à travers l’animation. »

L’animation, elle la rencontre très jeune également, avec les vieux dessins animés Disney qu’on connaît bien, et aussi avec le stop motion des séries comme Pingu et Pat & Mat. Mais c’est plus tard, en découvrant les films incroyables de Jan Švankmajer puis ceux de Michaela Pavlátová, qu’elle réalise que l’animation n’est pas seulement un medium pour enfants, et qu’elle pourrait parfaitement s’en servir pour raconter ses histoires à elle.


Wander to Wonder, 2023

L’artiste A.M.C. Fok lui avait transmis les premières bases en dessin, et c’est en entrant plus tard à l’Académie d’Art et de Design St. Joost de Breda, qu’elle est initiée à la théorie de l’animation à travers les cours de Christoffel Manders et au cinéma animé d’Europe de l’Est, qui compte parmi ses principales influences : « Je suis tombée amoureuse de la façon absurde et non conventionnelle de raconter des histoires qu’il y a dans ces films. » D’autres inspirations lui sont très chères : le travail d’Alex van Warmerdam, aussi bien ses films que son théâtre et ses peintures ; Michel Gondry, pour son ingéniosité et le fait qu’il ne cherche pas à masquer les imperfections de son art ; et Roy Andersson pour ses choix esthétiques et ses castings. « La chose que ces personnes ont en commun est qu’elles créent des univers uniques et crédibles, ce qui est aussi ce qui m’a attirée dans l’animation. Vous pouvez très facilement créer votre propre monde dans un espace de la taille de votre chambre. »


« Vous pouvez très facilement créer votre propre monde dans un espace de la taille de votre chambre. »


Le monde de Nina Gantz, qu’il soit créé hier dans une petite chambre d’étudiant ou aujourd’hui dans un grand studio d’animation, est un monde minuscule. « Minuscule » au regard des objets techniquement réalisés pour donner vie à ses films, mais aussi vis-à-vis des sujets qui sont traités, des vies parfois « minuscules » comme dirait Pierre Michon. Dans Zaliger, son premier film d’étude, réalisé en 2D et encore au dessin, elle raconte l’histoire d’un personnage seul, qui vit dans l’espace réduit qui le sépare de son assiette, de sa table, de la chaise vide en face de lui, et qui rêve dans le reflet d’une tasse de thé à un monde plus grand et surtout à deux. Avec Edmond, son film de fin d’études de la prestigieuse National Film and Television School (NFTS) tourné en images réelles et entièrement animé en stop motion, elle retrace la vie bizarre d’un personnage solitaire qui traîne son poids pour se jeter définitivement à l’eau. Quant à Wander to Wonder, son dernier bijou, il combine la technique et le sujet, en se demandant ce que deviennent les personnages qui vivent dans la télé, et plus particulièrement Mary, Billybud et Fumbleton, les petites vedettes de la série animée pour enfants des 90’s Wander to Wonder : que se passe-t-il lorsque celui qui a créé leurs trois petites vies disparaît ?


Wander to Wonder, 2023

Un thème qui trouve sûrement son origine dans celle de sa créatrice, au même titre que son esthétique si scénarisée et si authentique. « Il y a probablement de nombreux échos de ma vie dans ce film et je suis sûre qu’à un moment donné, un acteur a dû répéter Shakespeare dans la cuisine de ma mère ! [Il faut voir le film pour comprendre :)] Le théâtre fait partie de mon être, mais je suis également très attirée par le sentiment de nostalgie, et mon esthétique s’appuie fortement sur le passé. Je voulais vraiment ressentir cette juxtaposition entre la douce émission de télévision et la décadence et la destruction du studio à la suite du décès de l’oncle Gilly. J’aime associer l’humour à la tristesse, car je crois que c’est le meilleur moyen de digérer des sujets difficiles. Et je suis sûre que la tristesse est à l’origine des meilleurs traits d’humour. »

Et ça marche plutôt bien, à en juger par le nombre de prix que reçoit la réalisatrice, dès qu’elle se lance dans un film. On a même eu le plaisir de participer à ces récompenses, en lui décernant l’année dernière au festival Animatou, accompagnés de Zep et Peggy Adam, le Grand Prix du Jury international. Car en plus de la beauté formelle de ses courts-métrages, le travail titanesque d’animation en stop motion, il y a en effet chez Nina Gantz un vrai don pour raconter des histoires peu ordinaires, avec ce savant mélange doux-amer de joie et de peine, qui illustre finalement si bien que vivre, qu’on soit grand ou petit, c’est apprendre à danser sous la pluie.


ZALIGER
Nina Gantz, 2010, 3’30

 


❥ EDMOND
Nina Gantz & NTFS, 2015, 9’


❥ WANDER TO WONDER / Teaser


❥ WANDER TO WONDER / Making Of

Tout l’univers de Nina Gantz
et plus encore sur  www.ninagantz.com 

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