L’illustratrice Lucie Penaud fait de la bande dessinée qui montre beaucoup et parle peu, pourtant, elle s’est attelée à mettre en image notre thématique Bla Bla Bla dans le dernier Kiblind Magazine. Evidemment, elle dessine ce qu’on n’attendait pas, et évidemment, c’est ce qu’il nous fallait.
Plus que jamais la douceur et la gentillesse sont les armes à soulever. Et l’art de Lucie Penaud pourrait être fer de lance de cette croisade. L’oeil vif et le trait fin, elle capture avec justesse les choses qui l’entourent pour y insuffler ses couleurs rêveuses et sa poésie aux lignes claires.
Enrobées d’imaginaire, ses images parlent à nos yeux, et derrière les couleurs pastels, les sujets dont s’emparent l’illustratrice étudiante à la Haute École d’Art du Rhin viennent trouver un écho dans nos mémoires. Sans être nostalgique, elle mêle modernité et souvenirs synesthésiques. Aussi vaporeux qu’un souvenir, aussi touchant également, c’est pourtant bien ici et maintenant que son travail éclot pour laisser voir fleurir le talent.
Hello Lucie ! Ton illustration sur le thème “Bla Bla Bla” met en scène un épouvantail et des oies. Le bavardage, ça n’est pas réservé aux humains ?
Hello ! Je n’en sais rien mais j’aime bien imaginer que non. En réfléchissant à cette illustration j’ai pensé aux Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault, aux fables de La Fontaine… ce genre d’histoires où les animaux manient très bien le langage des humains.
Et toi, sans être rationnelle, si tu pouvais parler avec n’importe qui (ou quoi), qui-est-ce que tu choisirais ?
Justement, je choisirais de parler avec des membres d’une espèce non-humaine. Découvrir des perceptions radicalement différentes des nôtres pourrait donner quelque chose d’incroyable…
Tu fais aussi de la BD, qu’est-ce que ça apporte d’ajouter du texte à tes dessins ?
J’ai une approche beaucoup plus visuelle que littéraire de la BD. Quand j’utilise du texte, il vient souvent par petites touches pour exprimer les pensées des personnages ou leur donner une voix. En ce moment, j’essaie d’explorer plus en profondeur les dynamiques texte/image. C’est possible que je fasse des choses plus bavardes pour tester. Mais ce qui me fascine le plus en BD, c’est davantage le côté séquence d’images fixes que le côté texte.
Dans ton travail, le violet est une couleur assez récurrente, pourtant elle est plutôt rare dans la vie de tous les jours. Il y a une raison à ça ?
J’aime bien cette couleur, je pense qu’on doit la retrouver souvent car elle apporte du rythme dans les compositions chromatiques. Elle a aussi quelque chose du rêve et du surnaturel. Des œuvres comme les estampes japonaises ou les peintures du mouvement Nabi influencent beaucoup mon travail, surtout à cause des couleurs très vives qu’on y trouve et de la composition des images.
Qu’est-ce qui t’inspire à coup sûr pour créer ?
Je n’ai pas vraiment de truc qui marche à coup sûr… C’est plutôt une dynamique d’ensemble : se promener l’œil attentif, voir des expos quand c’est possible, lire des livres avec ou sans images, regarder des films…
Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été marquants pour toi et nous dire pourquoi ?
Un premier projet marquant que je peux citer est D.I.L.D./W.I.L.D., un projet de BD. Ce n’était pas prévu pour cette technique d’impression, mais il est sorti en risographie l’année dernière chez Pain Perdu. C’était enrichissant de travailler avec eux. Le livre regroupe trois épisodes dans lesquels on suit un personnage dans ses tribulations entre rêve et réalité. Aujourd’hui, je n’ai plus vraiment envie de faire des histoires aussi oniriques, mais j’ai pu explorer des pistes pour des projets futurs.
Ensuite, un autre projet marquant pour moi est une petite BD intitulée Les neurones miroirs qui sortira dans un fanzine collectif à venir. Il s’agit d’un travail autour de l’expression du visage, ou plutôt de son absence d’expression, ce qui peut être très flippant. C’est la première fois que je me suis confrontée à la BD d’horreur, tout en découvrant la gestion d’un fanzine à plusieurs. C’est une bonne expérience.
Pour finir, j’aimerais évoquer un projet en cours, pour l’école. Il s’agit d’un travail de livre jeunesse à partir d’un conte d’Andersen, Poucette. Je ne sais pas ce que ça finira par donner, mais j’ai réalisé quelques illustrations qui m’ont permis de réfléchir à la composition autrement. C’est l’histoire d’une petite fille miniature, où les échelles sont bousculées, la rendant encore plus vulnérable. Le fait de travailler sur le livre jeunesse me fait aussi envisager la narration différemment. Je pense que ça va être utile pour d’autres projets.
