Les membres sont grands et gros, les têtes petites. Ou l’inverse. Les expressions mangent les visages et les couleurs flashent dans tous les sens. Ou l’inverse. Non, les dessins d’Alice Piaggio ne sont pas là pour faire dans le réalisme le plus pointilleux et broder sur des mini-rikiki détails. Comme dans son illustration pour notre numéro « Surprise », l’Italienne fait toujours le choix de l’exubérance. Et c’est tant mieux.
Les images d’Alice Piaggio vous en envoient plein la tronche. Entre dysmorphies assumées, couleurs qui pètent et textures surlignées, la native de Gênes et co-fondatrice du magazine et des éditions PELO ne fait que rarement dans la demi-mesure. Pourtant et malgré les gros sabots graphiques avec lesquels elle marche sur la douce feuille blanche, elle laisse bien souvent la poésie envahir ses compositions.
Car la voilà, la fin des moyens cartoonesques d’Alice Piaggio : parler du monde en le prenant par la face absurde, drôle et onirique. Les œuvres de cette diplômée de l’ISIA Institute d’Urbin cachent sous leur efficacité visuelle indéniable une tendresse pour l’humanité et un questionnement subtil sur la vie qui va. Sans doute est-ce là la raison de ses multiples apparitions dans la presse italienne et internationale. Plus encore cela explique-t-il son penchant pour la littérature jeunesse dans laquelle son style fait indéniablement mouche. On a évidemment voulu en savoir plus sur le pourquoi du comment.
Pour notre numéro « Surprise », tu as réalisé une image sur le moment où tu as découvert qu’il y avait non pas une mais deux cacahuètes dans chaque coque. Quand as-tu découvert que tu allais dessiner pour le restant de tes jours ?
De façon très triviale, je dirais que j’ai commencé à réaliser quand j’ai pu payé mes factures en faisant ce que j’aimais le plus au monde, à savoir dessiner.
Tu utilises beaucoup la déformation anatomique dans le dessin de tes personnages. Pourquoi utiliser autant ce style et qu’est-ce que ces distorsions amènent à tes dessins ?
J’aime déformer, élargir et rétrécir certaines parties de mes personnages pour mieux renforcer mon message et appuyer sur les actions qu’ils réalisent.
Il y a aussi, bien sûr, ces couleurs vives et percutantes. Comment joues-tu avec et pourquoi les choisir aussi puissantes ?
Là aussi, j’utilise les couleurs pour communiquer ce que j’ai à dire et guider l’attention du regardeur vers le message que je veux transmettre.
Un autre aspect de ton travail est cette texture particulière qui nous permet de voir les mouvements de la main. Quels sont les outils que tu utilises pour donner ce rendu très humanisant ?
En fait, j’utilise les marqueurs de ProCreate, un logiciel de dessin sur Ipad. Je suis ravie de savoir que mes dessins ont l’air si vraies qu’on a l’impression qu’ils sont fait à la main, avec des stylos ou des crayons de couleurs.
Après quelques années de pratique, est-ce qu’il y a encore des choses qui te surprennent dans le dessin ?
Bien sûr ! Par exemple, le fait que les stylos tactiles s’usent comme les autres !
Est-ce que tu peux nous parler de trois projets qui te tiennent à cœur ?
Il y a les deux livres que j’ai faits en tant qu’autrice et illustratrice : Il Cavaliere Errante (Edizioni Clichy, 2024) et Quando il signor Tordi perse il cappello (Risma, 2021).
Et aussi un autre projet qui n’a rien à voir avec le dessin mais qui est aussi important pour moi et qui me motive tous les jours, ma famille !