Les Gens du Mag : Romane Granger

Illustrer l’histoire d’une amoureuse éperdue ayant conservé le coeur de son défunt mari pour Kiblind « Surprise » ? On en attendait pas moins de Romane Granger. Le travail de l’illustratrice parisienne, nous aussi, on l’aime à la vie, à la mort, alors on a voulu le mettre en lumière.

Synonyme d’angoisse et de questionnements, la nuit est paradoxalement l’endroit où tout devient possible. Car lorsque la lumière s’éteint, c’est l’imagination qui s’éveille. Terre fertile pour Romane Granger, la nuit devient ainsi un endroit habité par des scènes hautement cinématographiques. Usant de compositions ingénieuses et d’une palette de couleurs méticuleusement choisie, l’illustratrice parisienne nous entraine vers une noirceur étrangement réconfortante.

Touche-à-tout, Romane Granger brille autant pour ses projets de BD comme Bettica Batenica que pour ses projets d’animation, comme la sublime série de clips réalisée pour le duo pop Bellboy. Ce qui est une excellente nouvelle pour nous qui avons ainsi deux fois plus de chance des oeuvres énigmatiques et puissantes de l’illustratrice.

Mary – Création originale de Romane Granger pour Kiblind « Surprise »

Hello Romane, tu as illustré l’anecdote suivante pour le dernier Kiblind magazine : “À la mort de son mari Percy, Mary Shelley aurait conservé son cœur enveloppé dans un de ses derniers poèmes, dans son bureau.” Pour toi, cette histoire, c’est plutôt une bonne ou une mauvaise surprise ?

Je ne sais pas si on peut qualifier cette histoire en bien ou en mal. C’est le genre d’anecdotes profondément romantiques (au sens du romantisme littéraire) qui m’inspire beaucoup, car c’est insensé d’intensité. Après, j’imagine que ça a dû être une surprise plutôt morbide pour le fils de Mary Shelley qui a retrouvé le cœur dans le bureau de sa mère! (Selon la légende du moins)

Comment as-tu pensé cette création originale ?

Lorsque je crée, j’aime faire énormément de recherches iconographiques. Je suis ainsi tombée sur des images du tombeau de Percy Shelley, et d’une sculpture le représentant allongé, comme échoué sur une plage. C’est ce qui m’a inspiré à représenter Mary enlaçant la statue de son mari mort, figée dans son désespoir et dans son amour. Je trouve très beau l’idée d’un corps chaud, vivant, tentant d’insuffler un peu de sa vie dans un corps de pierre inerte. Ça m’a fait pensé à une chanson du groupe Gryphon que j’aime beaucoup, « The Unquiet Grave ».

Tes illustrations ont un aspect très cinématographique, qu’est-ce qui t’inspire ?

Il est toujours difficile de savoir consciemment ce qui nous inspire, nous influence. Je pense que mon travail est fait de choses variées que j’ai digéré avec le temps, et oublié. Cependant ce qui m’inspire avant tout, ce sont les histoires peu importe leurs formes. J’ai été bouleversée par Berserk de Kentaro Miura, et l’histoire d’amitié tragique qui s’y déroule, mais aussi par les films de Kim Ki Duk, ou encore le Livre de l’Intranquilité de Fernando Pessoa. Dès que je commence un projet long comme une bande-dessinée ou un clip, j’aime également créer des playlists qui influencent mon dessin; par exemple, lorsque je dessinais Bettica Batenica (Éditions Réalistes), j’ai beaucoup écouté l’album Romeo de Sega Bodega et Friends that break your heart de James Blake.

Clips, courts-métrages, bande-dessinée, tes dessins semblent s’adapter à tous les supports de création, as-tu une préférence ?

Ce que je préfère avec ces différents supports, c’est justement de pouvoir passer de l’un à l’autre! Ce que j’aime avec le cinéma d’animation, c’est le fait de travailler à plusieurs, d’être dans une énergie collective, et aussi la satisfaction du dessin en mouvement, le fait d’incorporer du son, etc. Mais j’ai également besoin de travailler sur des projets d’illustration/bande dessinée seule, afin de prendre toutes les décisions et d’avoir la possibilité de revenir en arrière, recommencer, prendre mon temps.

Qu’est-ce qui a fini par ne plus te surprendre ?

J’ai beaucoup réfléchi à cette question parce qu’une réponse m’est tout de suite venue, et que j’en cherchais une autre; je n’en ai pas trouvé. Ce qui a fini par ne plus me surprendre, ce sont les accusations de violences sexistes et sexuelles; j’ai compris qu’il valait mieux ne pas avoir d’idole, du moins pas des hommes.

Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été marquants pour toi et nous dire pourquoi ?

Le premier projet qui a été très important pour moi est mon film de fin d’étude Richie réalisé à l’ENSAD en 2019. C’est un documentaire animé dans lequel mon père parle d’un grave problème de santé qui a failli le tuer, et en filigrane il évoque aussi son alcoolisme…

En second Bettica Batenica, ma bande dessinée paru aux Éditions Réalistes en 2023. Le livre commence comme une enquête policière, mais aborde finalement les thèmes du pardon, de la mémoire, et des liens entre les deux; ça a été un projet très cathartique.

Enfin, je citerais le clip « Bambino » du groupe Bellboy, que j’ai réalisé à Remembers en 2023. J’avais une totale liberté créative, tout en ayant les moyens de m’entourer d’une équipe extrêmement talentueuse.

ROMANE GRANGER // KIBLIND « SURPRISE »

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